« Yennayer », un mot qui sonne comme «janvier, Januar, january, gennaio,.. ». Pas étonnant puisque ces mots viennent du mot latin «ianurius», lui-même nommé en l’honneur du dieu romain Janus.
Yennayer, qui tombe le 12, le 13 ou le 14 janvier selon les pays, correspond au solstice d’hiver. C’ est le premier jour de l’année, pour les amazighs et les utilisateurs d’un calendrier de type agraire employé avant et pendant la période romaine. Ainsi Tertullien qui vécut entre moins 150 et moins 230 avant JC évoque « la fête des calendes de janvier » célébrée chaque année à Carthage par les autochtones que les romains nomment « barbares ».
Ce calendrier solaire basé sur les saisons et les récoltes est pourtant proche du calendrier julien, introduit par Jules César en 46 avant JC , un calendrier pensé par des scientifiques qui a remplacé le calendrier romain dont le premier mois était Mars.
Le calendrier julien est encore utilisé de nos jours par les coptes égyptiens et par les orthodoxes qui n’ont pas adopté notre calendrier grégorien en 1582. Il ne reprend pas le calendrier musulman, qui repose sur des mois lunaires.
Le calendrier amazigh qui valide la pratique du calendrier agraire a été adopté par l’Académie Berbère , qui a travaillé à Paris de 1966 à 1978 : A sa tête le militant algérien Ammar Negadi, qui a aussi œuvré pour l’adoption de l’alphabet tifinagh. Le calendrier amazigh commence en 950 avant Jésus-Christ, date à laquelle le roi berbère Chachnak Premier,originaire de la tribu berbère des Mchaouch devint pharaon d’Egypte.
Ni 2016, ni 1438, mais 2966 . Une façon de rappeler qu’il y a des cultures dominantes et des cultures dominées et que la culture amazigh a résisté au temps et à tous les mouvements de population. Une résistance symbolisée par Dihyia, plus connue sous le nom de Kahena, souvent comparée à notre jeanne d’Arc, reine guerrière zénète des Aurès , qui combattit vaillamment les envahisseurs arabes omeyyades au 7° siècle, mais ne parvint pas à les débouter..
Il y a de nos jours des populations de culture amazigh de la Méditerranée au Sud du Niger, de l’Atlantique au voisinage du Nil, c’est à dire sur un territoire très vaste, mais elles sont inégalement réparties. La carte montre que les touaregs occupent l’espace le plus étendu, mais ils sont peu nombreux en regard du Maroc (20 Millions) et de l’Algérie (13 millions). Il n’y a pas une seule langue amazigh , mais une trentaine de dialectes dérivés d’une langue ancienne appelée « lybique ». Ces dialectes s’écrivent majoritairement en caractères tifinagh, un système d’écriture conservé par les touaregs. On estime à environ 45 millions le nombre de locuteurs berbérophones dans le monde.
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Libres et rebelles les « imazighn » ! L’ « Amazigh », homme libre symbolisé par la lettre Z du tifinagh. Voilà qui les définit certes mieux que le mot « berbère », déformation du mot « barbare » utilisé par les Grecs, les Romains, les historiens arabes et plus tard les colons européens. Le mot « berbère », plus connu du grand public a cependant perdu entre temps sa signification ethnocentrique.
Yennayer donc, c’est le début du solstice d’hiver. Le soleil entame sa remontée. Les jours encore très froids rallongent et instaurent l’espoir d’une meilleure année. Yennayer est le Roi des mois, parce qu’il ramène la neige qui couvre les terres de son burnous blanc dans les régions montagneuses . Un hiver sans neige , et la terre sera sèche en été , les récoltes maigres et on aura faim. Alors, pour se concilier les bonnes grâces du roi Yennayer, les femmes chantent la chanson de Yennayer .et craignent la «vieille» qui a eu l’audace de se moquer de lui . Mal lui en a pris d’ailleurs : elle a été emportée avec sa chèvre dans les flots d’un orage vengeur .
Des traditions berbères liées au changement de l’année se retrouvent dans plusieurs régions d’Afrique, voire du bassin méditerranéen. En effet elles se rapprochent de nos traditions du Carnaval . Etrange coincidence! Notre carnaval, qui débute le 6 janvier, est lui même hérité des Lupercales des romains.
La veille de Yennayer, donc le 12 Janvier, on chasse «amghar ouchouqyaye» et on l’accuse de tous les maux de l’année écoulée. Pour 2016 il y aura de quoi faire ! Une défilé débute à la tombée de la nuit, la procession, portant masques et haillons, passe de maison en maison, demander des fruits secs, des sucreries. Le premier soir on prépare
des beignets « sfenj » et des crêpes « baghrir » qui s’appellent aussi « mille trous » parce que la pâte est levée. Le lendemain on prépare le couscous aux sept légumes et viande de volaille, si possible du coq. Les traditions sont nombreuses et peuvent varier d’un pays et d’une région à l’autre. Dans certaines régions, la célébration de Yennayer dure jusqu’à trois jours. Chaque jour on prépare un plat différent :
Les masques symbolisent le retour des morts sur terre. Il faut d’ailleurs penser aux invisibles. C’est pourquoi on se doit de déposer des fruits secs à des endroits précis de la maison, par exemple le seuil de la maison, ou le pied de l’olivier.
Dimanche 15 janvier 2017, nous avons fêté le nouvel an amazigh à Orléans. C’était la première fois que la ville d’Orléans venait rejoindre les grandes villes françaises qui célèbrent « Yennayer » . Ce projet nous l’avons monté à trois associations : « Diwan-Centre », « Ibtissama », et « AMA France ». Une quatrième nous a rejoint : « Saveurs sucrées Salées ». Il n’aurait pu se réaliser sans le concours de tous les partenaires : l’Aselqo Rouget de l’Isle qui nous a accueillis dans ses locaux, les artistes et artisans présents et sans le soutien matériel et financier dans des délais très courts
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de la Mairie d’Orléans et de ses services techniques
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de la Chaabi Bank
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du Crédit Mutuel .
C’était en 2967… au temps d’avant où l’on pouvait réunir 300 personnes et fêter dignement cette date chère aux riffains, nombreux à Orléans et à tous les amoureux de la culture « berbère » et qui tombe à la même époque que le nouvel an chinois. Pour le moment permettons nous seulement de rêver à des temps meilleurs où les dragons chinois croiseront le « défilé des masques et des haillons » dans les rues d’Orléans !