Renaissance : L’ Italie en Région Centre-Val de Loire ; « Rencontres fort twitt »

Oublions un peu Leonard pour partir à la recherche des artistes de la Renaissance venus d’Italie ou formés en Italie et établis en Région Centre.

La Région Centre-Val de Loire est connue pour ses châteaux dont beaucoup datent de la première  Renaissance :  Chambord, Blois, Amboise, Chenonceau,  Azay le Rideau, pour ne citer que les plus célèbres.  C’est   là que  séjournaient les rois de France qui ont fait construire ou modifier ces châteaux  au goût de l’époque. Dans l’ordre : Louis XI (1423) , Charles VIII, Louis XII, François 1° , Henri II, François II, Charles IX, Henri III, Henri IV (mort en 1610). Et n’oublions pas Catherine de Médicis ! 

Orléans, Tours, Blois, Chartres, Montargis, Bourges … toutes nos villes  regorgent   de bâtiments dans ce  style,  inspiré de  la Renaissance italienne et qui emprunte  à l’architecture gréco-romaine. On recherche l’esthétique, l’harmonie, les structures régulières. Sur  les façades, les lucarnes,  les cheminées,  des pilastres, des colonnes doriques, ioniques,  des médaillons, des candélabres, des motifs végétaux.

Cependant ces éléments décoratifs italiénisants sont adaptés au goût français et à la région . On remarque ainsi l’usage de la pierre de tuffeau, d’ardoises, de briques ou bien la présence d’éléments décoratifs se référant à l’architecture gothique ou au Moyen-Age , comme le donjon, dont on cherchera vainement trace dans les bâtiments italiens.

Diwan-Centre dont l’objet est de s’attacher aux croisements de cultures est partie à la recherche  de ces artistes venus d’Italie ou formés en Italie -architectes, peintres, sculpteurs, graveurs, danseurs  …- qui ont oeuvré dans notre région à cette époque charnière pour l’histoire de l’Europe, qui a commencé avec le déclin de l’empire byzantin et coïncidé avec la chute de Constantinople. A l’occasion des 500 ans de la mort de Léonard de Vinci, la Région Centre-Val de Loire a mis son nom à l’honneur. Cependant la Renaissance française a duré plus de deux siècles et Léonard n’a passé que les trois dernières de sa vie dans notre Région. D’où l’intérêt de ce modeste tour d’horizon aux accents d’Italie.

Des architectes français formés en Italie

Un premier élément mérite d’être souligné : Nombre d’architectes français ayant participé à la construction des bâtiments emblématiques de la Renaissance française ont été formés en Italie . Nous allons vous en présenter trois parmi les plus connus, ainsi que certaines de leurs réalisations dans notre région.

Jacques Premier Androuet du Cerceau

Jacques 1° Androuet du Cerceau Hotel Groslot-Orléans Hotel Cabu -Orléans Choeur de l’église Ste Madeleine

Architecte de l’Hotel Groslot à Orléans qui a servi de cadre à notre« flashmob » . On lui attribue aussi l’hôtel Cabu. Les deux édifices conjuguent le vocabulaire décoratif de la Renaissance : fenêtres, arcades, superposition des trois étages côté cour, comme dans les villas palladiennes, tout en s’adaptant aux traditions locales comme la brique.

Jacques Androuet du Cerceau   avait été fortement marqué par ses deux voyages en Italie et la découverte de Palladio.

Philibert de L’Orme

Né en 1510, issu d’une famille de maîtres-maçons, Philibert De L’Orme partit pour Rome en 1533 pour étudier les monuments antiques et se retrouva baigné dans l’architecture de la Renaissance italienne. Rentré en France en 1537 sur les conseils du cardinal Jean du Bellay, ambassadeur de France à Rome, il fut alors introduit à la cour et se mit au service de François 1er puis d’Henri II. Premier homme à être nommé architecte du roi, il fut l’architecte d’une partie du Louvre.

On lui doit le pont du château de Chenonceau, qui rappelle étrangement le Ponte Vecchio. De même  le Chateau d’Anet construit pour Diane de Poitiers entre 1547 et 1552, et notamment son portique d’entrée comportent de nombreuses références à l’architecture gréco-romaine.

Plus tard il résida à Montargis auprès de Renée de France, veuve du duc de Ferrare. Encore et toujours l’Italie ! Il aurait fait les plans pour la rénovation du Château et ceux du choeur de l’église paroissiale Sainte Madeleine , partie la plus remarquable de l’église avec des vaisseaux très élancés qui ont tous la même hauteur, ce qui rappelle certaines églises milanaises.

Philibert de l’Orme   Le pont du château de Chenonceau Ponte Vecchio (Italie)

 

Jean Bullant

Revenu en France vers 1540 après de longues études à Rome, l’architecte du Palais des Tuileries est entré en 1570 au service de Catherine de Medicis et a poursuivi le travail de Philibert de l’Orme en réalisant la galerie du château de Chenonceau (15761577).

  Jean Bullant Galerie du Château de Chenonceau  

De nombreux artistes italiens en Région Centre-Val de Loire

Léonard de Vinci -bien sûr

Qui dit Renaissance dit Léonard de Vinci (1452/1519) qui a passé les trois dernières années de sa vie au Clos Lucé à Amboise, suite à l’invitation de François 1°. Mais qu’a- t-il réalisé en fait en si peu de temps dans notre région?

François Ier l’avait nommé “Premier peintre, premier ingénieur et premier architecte du roi”, ce qui laisse quelques libertés….En fait, il était surtout  “Maître des divertissements” , chargé d’organiser des fêtes aussi extraordinaires qu’à  la cour des Médicis.  Il créa  des scénographies époustouflantes au grand émerveillement du noble public  :  par exemple la reconstitution de la bataille de Marignan avec 10 000 figurants costumés, ou encore une voûte céleste parcourue par le mouvement des astres,  sans parler des jets d’eau somptueux.

Il lui confia aussi des  projets plus ambitieux : le fameux escalier à double révolution de   Chambord,  les premières esquisses d’un canal entre la Loire et la Saône et les plans du nouveau palais de Romorantin : Un double palais de part et d’autre de la Sauldre relié par des ponts, des écuries royales, une ville quatre fois plus importante que Chambord,  future cité idéale qui n’a jamais vu le jour.

Escalier à double révolution du château de Chambord Plan du futur palais de  la cité idéale : Croquis attribué à Léonard de Vinci, encre sur papier, XVIème siècle © Romorantin, le Projet oublié, Musée de Sologne, Romorantin-Lanthenay, France.

La renommée de Léonard a quelque peu éclipsé la présence dans notre Région de nombreux autres artistes de l’école italienne.  Il faut savoir qu’ à cette époque les artistes voyagaient beaucoup et n’hésitaient pas à s’expatrier lorsqu ‘ils avaient trouvé un mécène.  Et de ce point de vue la vallée des rois française était un bon plan . Allons à la rencontre de quelques uns de ces artistes!

Francesco Laurana (1430/1502) : sculpteur

Francesco Laurana était né vers de 1430 à Vrana, près de Zara dans ce qui était à l’époque la Dalmatie vénitienne. (aujourd’hui la Croatie ). Il avait commencé son apprentissage comme sculpteur, puis fait carrière à Naples pour Alphonse V d’Aragon. Après la mort de celui-ci, en 1458 il fut appelé en France, à la cour du Roi René qui était aussi roi de Naples. Celui ci lui commanda une série de médaillons. Il travailla  aussi pour les princes, les grands officiers et plus tard pour le roi Louis XI. Il est l’auteur du masque mortuaire d’Agnès Sorel, favorite de Charles VII, exposé au musée du Berry de Bourges et aussi de la célèbre médaille de Louis XI.

masque mortuaire d’Agnès Sorel https://webmuseo.com/ws/musees-bourges/app/collection/record/10111 Cliché Béatrice de Chancel- Bardelot, Ville de Bourges, 2005 médaille de Louis XI (BnF, vers 1465, Cabinet des Médailles, Paris)

Fra Giovanni Giocondo- Jean Joconde (1433/1515) : architecte

Fra Giovanni Giocondo est connu aussi par son nom français de Jean Joconde. Il entra en 1495 au service de Charles VIII. Il a travaillé de 1495 à 1505 au château d’Amboise . On lui doit également toujours à Amboise l’hôtel Joyeuse et probablement Château Gaillard, le plus italien des Châteaux de la Loire.

Ces trois  bâtiments qualifiés de « gothique -Renaissance » sont très éloignés du style italien. En fait le château semble avoir été conçu comme un appendice du jardin, qui fut le premier jardin d’acclimatation en France. Tout semble démontrer que Charles VIII, subjugué par la beauté des palais lors de sa première campagne d’Italie,  semblait chercher à prolonger son rêve italien et que l’architecte s’est adapté aux goûts du mécène.

Hôtel Joyeuse -Amboise Château Gaillard-Amboise Château d’Amboise

Guido Mazzoni (1450/1518) : sculpteur, peintre , enlumineur

Connu pour ses personnages en terre cuite. Après un bref séjour en Italie en 1507, il revint en France en 1496 où il fut t embauché en tant que peintre et enlumineur au service de Charles VIII, puis de LOUIS XII. Il travailla au château de Blois réalisant deux statues du roi : l’une en costume de chasse et la seconde, en pierre, comme monument équestre placé à l’entrée du château.

 

Livre d’heures de Claude de France exposé à l’Université de Cambridge   Statue du Roi Louis XII  à l’entrée du Château de Blois

Dom Pacello da Mercogliano (1453/1534) : moine jardinier

La première Renaissance en France est celle des jardins, à partir de 1496.

Dom Pacello, moine jardinier, connu comme le génie des jardins de Poggio Reale et 22 artisans Italiens revenus avec le jeune Roi de France Charles VIII, ont travaillé au premier jardin Renaissance : celui de Château Gaillard et sans doute à celui d’Amboise. Un jardin Renaissance à l’italienne est parfaitement symétrique . Les statues et les thèmes d’eau -fontaines, cascades, jets d’eau sont également placés selon des principes mathématiques pour entretenir la symétrie mis en forme par un théoricien italien : Léon Battista Alberti (1404-1472)« De re aedificatoriae », ou « de l’art d’édifier« .

Dom Pacello, paysagiste le jardin de Château Gaillard  

 

Domenico Bernabei da Cortona , Boccador (1465/1549) : menuisier et maître maçon

Formé à Florence, Domenico fut amené en France par Charles VIII, en 1495. Valet de chambre d’Anne de Bretagne (1507), « faiseur de chasteaux et menuisier« , il semble avoir travaillé d’abord à des ouvrages de sculpture et à des projets de décorations éphémères. Maître des œuvres de maçonnerie à partir de 1514, il a participé aux plans du château de Chambord dont il a réalisé un modèle en bois (perdu mais documenté) d’après les idées de Léonard de Vinci. Il est intervenu dans la construction du château, commencé en 1519.

On lui doit également les greniers à blé souterrains d’Amboise connus sous le nom de « Greniers de César ». Ces greniers comportent deux parois, une première paroi dans la pierre, et une seconde en briques avec un vide d’air entre les deux .

  Boccador Les greniers de César à Amboise

Giovanni Di Giusto di Betti (1485/1549)- la famille Juste

La famille Juste est une famille de sculpteurs italiens de l’école de Tours. Giovanni di Guisto, établi dans cette ville, connu sous le nom de Jean Juste Premier est l’auteur du tombeau bien connu de Louis XII et Anne de Bretagne à la basilique Saint Denis et d’un certain nombre d’autres : Et aussi de celui de Jean de Rieux à Ancenis , celui de Thomas Bohier et de son épouse dans l’église Saint-Saturnin de Tours, celui de l’abbé Louis de Crevant, à Vendôme.

Son neveu Juste de Juste (1505-1559),né et mort à Tours a travaillé comme stucateur sous les ordres de Rosso Fiorentino puis du Primatice au château de Fontainebleau

Tombeau de Louis de Crevant à Vendôme (BNF Gallica) Tombeau de Louis XII et Anne de Bretagne à la Basilique Saint Denis. 

 

Francesco Melzi : peintre (1491/1570)

Elève et compagnon de Léonard de Vinci, Melzi l’a suivi en France en 1516. On sait par un document conservé aux archives nationales qu’il recevait de François 1er une pension de 800 écus pour deux années (1517 et 1518) .

Après la mort de Léonard il est resté un temps à Amboise pensionné par le roi . Puis il est retourné en Italie sans doute vers 1520 ou 1521 et a passé le reste de sa vie à gérer tant bien que mal l’héritage du maître , s’efforçant de rédiger d’après ses notes un « traité de la peinture » . Peintre amateur, on lui attribue un tableau exposé à la Gemäldegalerie de Berlin, inspiré d’un carton de Léonard de Vinci représentant la déesse Pomone. Aucune trace de son séjour à Amboise. Une sanguine datant de 1510 signée et datée de sa main est exposée à Amboise .

Vertumne et Pomone Francesco Melzi– autoportrait
Musée Bonnat, Bayonne

Gian Giacomo Caprotti da Oreno dit « il Salaino » , Salai : peintre

Il était entré au service de Léonard en 1490 à l’âge de 10 ans. Un an plus tard le « petit diable » avait volé de l’argent et des objets de valeur et avait dépensé une fortune en vêtements, dont vingt-quatre paires de chaussures. Les carnets de Léonard des premières années de leur relation contiennent beaucoup d’images de l’adolescent qui servit de modèle à de nombreux tableaux comme le Saint Jean Baptiste. Il resta son serviteur et son assistant durant les trente années suivantes et le suivit lui aussi à Amboise. Mais en 1518 il s’en retourna en Italie. Il pourrait être l’auteur de la « Mona Vanna », la Joconde nue peinte en 1515, mais les spécialistes n’en sont pas bien sûrs.

Salai Mona Vanna

André Alciat/ Alciati ( 1492/1550 ) : juriste écrivain

Professeur de droit il a enseigné à deux reprises à Bourges (la première fois en 1529-1533). Alciati faisait partie des premiers jurisconsultes qui ont uni l’étude de l’histoire à celle des lois, afin d’éclairer l’une par l’autre.

Humaniste, c’ était un correspondant d’Érasme. Ses « Emblemata« , le premier livre d’emblèmes, s’inspirent des « Adages » d’Érasme pour leur composition en forme de collections et ses références à l’Antiquité . Les deux recueils connurent un vif succès dès leur parution et fournirent aux hommes de la Renaissance des modèles et des clés qu’ils allaient utiliser dans leur vie intellectuelle et sociale.

Portrait d’Andrea Alciati par musée des Beaux-Arts d’Angers   Les emblèmes d’Alciat

Baltassare de Belgiogoso , Balthazar de Beaujoyeux (1535/1589) : musicien, chorégraphe

Violoniste et chorégraphe d’origine italienne naturalisé français, il est envoyé en France vers 1555, à la tête d’une bande de violons recommandée à Catherine de Médicis . Par la suite valet de chambre des souverains Henri II, Henri III, François d’Alençon, Catherine de Médicis, Marie Stuart, il est devenu incontournable. Passé « violon du roi », maître à danser et maître des divertissements, il était en charge de l’organisation d’intermèdes, de mascarades, etc… Très riche, il possédait entre autres propriétés une closerie aux environs de Blois, en bordure de la forêt royale.

 

Balthazar de Beaujoyeux Bal de la Reine

Jean Pastilla

C’est le mariage de Catherine de Médicis avec le futur roi Henri II qui a permis au savoir-faire italien de pénétrer la France et de contribuer au développement de la confiserie. Jean Pastilla, l’un des trois pâtissiers confiseurs italiens de Catherine de Medicis a répandu en France la mode de la pastille à base de gomme arabique et de sirop de sucre, qu ‘il n’avait pas inventée puisque Horace évoquait 30 ans avant JC les pastilles parfumées.

Catherine de Médicis les pastilles de Vals

Côme Ruggieri (?)/1615)- astrologue

Cosimo Ruggieri de son nom d’origine également dénommé Cosme Ruggieri ou Cosme de Rogier était astrologue et conseiller de Catherine de Medicis.

De nombreux auteurs relatent une prophétie informant Catherine de Médicis des règnes de ses fils et de leur durée. La scène se serait déroulée au château de Chaumont-sur-Loire vers la fin de 1559.

Le passage de Ruggieri à Chaumont-sur-Loire est matérialisé dans le château par une pièce qui porte son nom et par un portrait réputé le représenter.

Chambre de Ruggieri au château de Chaumont sur Loire Come Ruggieri

Cet article n’est sans doute qu »un mince aperçu de la présence et de l’influence italienne à la Renaissance dans notre région . Si vous voulez en savoir plus sur ces « Rencontres fort twitt » passez donc à notre stand le 12 octobre à Festiv Asso!