Le thème de la sixième édition de Festiv asso , la fête de la maison des associations d’Orléans la Source, où Diwan-Centre siège : les fables de la Fontaine. Nous n’avons pas hésité à répondre présents à l’appel pour y participer.
Car s’il est bien un objet littéraire qui a voyagé dans l’espace et dans le temps autour du monde et de la Méditerranée , ce sont les fables. Et notre bon vieux Jean de la Fontaine ne fut certes pas le premier à s’y essayer. Le mot « fable » vient du latin « fabula »: histoire . Cette histoire est destinée à faire réfléchir aux comportements humains au travers de fables animalières et se termine généralement par une morale.
Petit voyage dans le temps
et dans l’espace
Les fables sumériennes
Les fables mettant en scène des animaux et se terminant par une morale de l’histoire existaient déjà à Sumer du coté de la Mésopotamie près de 3000 ans avant Ésope. On les retrouve mille ans plus tard en Assyrie, puis en Phrygie, pays de naissance d’Esope.
Les Jātakas (जातक) –vies antérieures-
Il s’agit d’un recueil de textes bouddhistes écrits entre le 3° avant Jc et le 3° siècle, lui même inspiré d’un autre recueil de textes bouddhistes. Il comprend des fables dans lesquelles le futur Bouddha est incarné dans le corps d’un animal et des contes mêlants les humains et les animaux
le Pantchatantra ou fables de Bidpaï
Compilation en sanscrit datant du Ve siècle traditionnellement attribuée à un brahman du Cachemire nommé Vishnusharman (विष्णुशर्मन्), qui l’aurait produite au IIIe siècle avant notre ère, à la demande d’un râja comme un guide de gouvernement à destination des princes. L’ouvrage, est composé de cinq parties thématiques regroupant en tout 73 fables.
Ces fables sont puisées dans la tradition orale indienne et dans les Jakatas. Ce recueil s’est répandu en Asie et en Inde . On en connait plus de 200 versions différentes dans diverses langues. Jean de la Fontaine s’inspira explicitement de ces fables « sues de tous » qui lui fournirent une réserve importante d’histoires qu’il rendit « nouvelles par quelques traits qui en relevassent le goût »
Kalila et Dimna
C’est la version arabo-persane du Panchatantra, celle qui a permis le passage de l’oeuvre vers l’Occident. Vers 750 un auteur persan très instruit et courtisan influent Ibn Al Muqqafa traduit le Panchatranta en arabe . Il est divisé en dix-huit chapitres, dont cinq seulement correspondent au livre indien … Kalila et Dimna sont deux chacals vivant à la cour du lion, roi du pays. Si Kalila se satisfait de sa condition, Dimna en revanche aspire aux honneurs, quels que soient les moyens pour y parvenir. Chacun des deux justifie sa position en enchaînant des anecdotes, qui mettent en scène des hommes et des animaux, et délivrent des préceptes et des morales.
« Cette version marque le point de départ de la diffusion du texte, en Orient (persan, turc, mongol…) comme en Occident (grec, hébreu, latin, allemand, français…). Les différentes traductions issues de l’arabe permettent au récit de voyager et de se métamorphoser au fil des siècles et des cultures. Ce succès a généré une abondante production de livres , manuscrits et d’imprimés illustrés.Des exemplaires, enluminés ou non, rapportés par des savants ou des ambassadeurs, enrichirent les grandes bibliothèques européennes. En 1644, une version française, réalisée à partir d’une nouvelle traduction persane du texte d’Ibn al-Muqaffa‘, fut publiée par Gilbert Gaulmin. »
La Fontaine emprunta aux histoires de Kalila et Dimna les éléments ou la trame de quelques-unes de ses Fables : Le Chat, la Belette et le Petit Lapin, Le Chat et le Rat, Les Deux Pigeons, La Laitière et le Pot au lait…
Les fables d’Esope
C’est un ensemble de fables en prose attribuées à Esope, écrivain grec d’origine phrygienne né en Turquie ou selon d’autres sources en Thrace qui a vécu vers la fin du VII° siècle avant JC . Le premier recueil de fables d’Ésope historiquement attesté a été constitué par Démétrios de Phalère au IVe siècle av. J.-C., plus de deux cents ans après la mort d’Ésope. Ce recueil même a été perdu, mais il a donné naissance à d’innombrables versions. La plus importante est le recueil appelé Augustana, qui compte plus de 500 fables, toutes en prose.
Les fables d’Ésope ont inspiré de nombreux auteurs, qui ont perfectionné le genre de la fable , notamment :
- Phèdre, fabuliste latin du Ier siècle
- Babrius, fabuliste romain de langue grecque du IIe siècle-IIIe siècle
- Avianus, poète latin du IVe siècle
- Djalal an Din Rumi, mystique et poète persan du XIIIe siècle,
- Marie de France poétesse du XIIe siècle
- Isaac de Benserade
- et bien sûr Jean de La Fontaine au XVIIe siècle
Ce dernier lui rendit hommage avec ces vers
« Je chante les héros dont Esope est le père,
Troupe de qui l’histoire, encor que mensongère,
Contient des vérités qui servent de leçons. »
Les fables de la Fontaine
Trois recueils de 243 fables écrites entre 1668 et 1694. On les apprend par coeur à l’école. Elles font partie de notre culture . Si la trame de l’histoire est la même que celle des fables d’Esope et de tous ceux qui l’ont précédé, les fables de la Fontaine ont leur propre génie. Il ne s’agit pas d’une traduction mais d’une réécriture rythmée, incisive , et intemporelle.
A titre d’exemple voici deux versions de la fable « le renard la cigogne » .
« Du Renard et de la Cigogne » – Un Renard plein de finesse pria à souper une Cigogne à qui il servit de la bouillie sur une assiette. La Cigogne ne fit pas semblant de se fâcher du tour que lui jouait le Renard. Peu de temps après, elle le pria à dîner ; il y vint au jour marqué, ne se souvenant plus de sa supercherie, et ne se doutant point de la vengeance que méditait la Cigogne. Elle lui servit un hachis de viandes qu’elle renferma dans une bouteille. Le Renard n’y pouvait atteindre, et il avait la douleur de voir la Cigogne manger toute seule. Elle lui dit alors avec un rire moqueur : » Tu ne peux pas te plaindre de moi raisonnablement, puisque j’ai suivi ton exemple, et que je t’ai traité comme tu m’as traitée. «
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Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C
Le Renard et la Cigogne
Compère le Renard se mit un jour en frais,
et retint à dîner commère la Cigogne.
Le régal fût petit et sans beaucoup d’apprêts :
Le galant pour toute besogne,
Avait un brouet clair ; il vivait chichement.
Ce brouet fut par lui servi sur une assiette :
La Cigogne au long bec n’en put attraper miette ;
Et le drôle eut lapé le tout en un moment.
Pour se venger de cette tromperie,
A quelque temps de là, la Cigogne le prie.
« Volontiers, lui dit-il ; car avec mes amis
Je ne fais point cérémonie. »
A l’heure dite, il courut au logis
De la Cigogne son hôtesse ;
Loua très fort la politesse ;
Trouva le dîner cuit à point :
Bon appétit surtout ; Renards n’en manquent point.
Il se réjouissait à l’odeur de la viande
Mise en menus morceaux, et qu’il croyait friande*.
On servit, pour l’embarrasser,
En un vase à long col et d’étroite embouchure.
Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer ;
Mais le museau du sire était d’autre mesure.
Il lui fallut à jeun retourner au logis,
Honteux comme un Renard qu’une Poule aurait pris,
Serrant la queue, et portant bas l’oreille.
Trompeurs, c’est pour vous que j’écris :
Attendez-vous à la pareille.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)
Trompeurs c’est pour vous que j’écris , attendez vous à la pareille! Une morale à méditer !
Une brillante idée que le thème de 6° Festiv Asso à la Source ! Et pour Diwan-Centre , l’occasion de rappeler que notre culture populaire est le résultat d’un formidable melting-pot et non le produit d’un microscosme français ignorant de ses racines.